Un ciel brumeux, un rayon qui perce malgré tout de temps en temps, une fenêtre magique pour enjoliver la vérité ; Un emploi du temps bien trop chargé, des rendez-vous à n'en plus finir ; L'adjointe malade, il en faudrait trouver une autre pour éplucher la paperasse... Une journée bien monotone en perspective, comme trop souvent.

Le ministre est installé à son bureau, grattant un long parchemin de bonne facture. La plume danse, la mine crisse, c'est de trois mots en avant puis de deux en arrière que le papier se recouvre, se rature, se noircit d'un discours, ou au moins d'une solide base.

Interrompant la valse d'encre, perturbant la symphonie qui se jouait doucement au sein de la vaste pièce, quelques coups sont portés à la porte. Un nom est annoncé ; Cara De Lanxorre. Le politicien jette un rapide coup d'oeil à sa montre et constate qu'il est en effet l'heure. Reposant la plume dans son encrier, un "Entrez" résonne dans le Bureau et il se relève lorsque l'invitée se dévoile, le salue.

C'est une belle jeune femme qui se tient là, à ne pas en douter. Une vue agréable, qui agrémente sa morne journée, mais le met en garde sur la discussion à venir. La Vice-Directrice allait sans doute se lancer dans d'importantes négociations, pour avoir fait de tels efforts de parure. Le Serpentard prend note de l'information, mais ne se laisse pas perturber ; il a l'habitude, et aime prendre les autres à leur propre jeu.

- Madame De Lanxorre. C'est un plaisir de vous rencontrer enfin.

Les mains se serrent avec vivacité, les regards se croisent. Le sorcier ne récupère que peu d'informations sur son interlocutrice, mais cela viendra. Il les collectera une à une, prendra le temps qu'il le faut.

- Je vous en prie, installez-vous, propose le Ministre en indiquant les fauteuils capitonnés agencés au tour d'une petite table d'ébène. Désirez-vous boire ou manger quelque chose ?

Le jeune homme aime mettre à l'aise ses interlocuteurs tout en leur faisant comprendre qu'ils pénètrent dans son territoire, son terrain de jeu. C'est lui qui mène la danse des négociations, personne d'autre.

Le ministre se retourne, deux tasses chaudes en main, de légères effluves de bergamote s'en échappant. Il les dépose sur de petites soucoupes agrémentées d'une fraise et d'un carré de chocolat, et sans un geste la sucrière se joint à la réunion, atterrissant en douceur sur la table basse.

Le serpentard prend à son tour place sur l'un des fauteuils de cuir, en face de son invitée, tandis que cette dernière l'interroge. Teintée d'une naïveté curieuse, la question arrache un léger sourire au politicien ; les lèvres s'étirent, la fossette se creuse dans la joue, mais les dents restent cachées. Pour l'instant. Intrigante sorcière.

Evidemment qu'il s'est déjà entretenu avec des membres du personnel de Poudlard, qui ne le ferait pas en sa position ? Néanmoins, une envie irrépressible de jouer s'empare de l’homme. Est-ce dû à la lassitude de sa journée ou bien au charme évident de son interlocutrice ? Il ne s'en préoccupe pas, cela n'a guère d'importance à ses yeux. La flatterie a toujours été un outil puissant dont il aime se servir en abondance.

- J'ai bien déjà eu affaire à des représentants de Poudlard, mais aucun d'aussi élégant que vous, je dois bien l'admettre, révéla le ministre, après une gorgée de thé.

La partie est lancée. Qui en sortira vainqueur ?

Les regards se croisent à nouveau, les saphirs scrutent, à la recherche d'un froncement de sourcils, d'un geste mineur, d'une mimique. La moindre information lui est utile. Pas forcément pour l'échange présent, mais probablement à l'avenir. Ils seraient forcément amenés à se recroiser, un jour où l'autre, de part leurs fonctions respectives.

- Que me vaut votre visite ? S'enquiert le ministre, qui considère avoir suffisamment mis à l'aise la jeune femme pour entamer les négociations.

C'est une partie de poker avec deux joueurs en lice. Ils bluffent, savent que leur adversaire en fait de même, mais gardent les apparences et laissent ainsi s'élever la mise. Jusqu'où ? Tapis ? C'est le moment le plus excitant du jeu, celui où la situation peut se renverser au profit de l'un d'eux. N'importe quand. La directrice adjointe l'a bien compris et n'est pas en reste.

Belt ne rate pas une miette et observe la gestuelle finement contrôlée, plus ou moins innocente, de la jeune femme. Il apprécie, seul un aveugle affirmerait le contraire, mais il lui en faudra bien plus pour la laisser toucher au pactole. Les saphirs plongent et restent appuyés un instant - juste assez pour qu'elle le remarque - sur les genoux de la Serpentard. Il dessine ensuite la silhouette du regard, remontant petit à petit vers les lèvres tentatrices qui laissent échapper de sérieuses nouvelles. Beau contraste.

Le Ministre est-il distrait par le charme de son interlocutrice ou bien se joue-t-il d'elle ? Seul lui le sait. Qu'en pensera-t-elle ?

- Voilà une bien fâcheuse nouvelle, soupire le sorcier tout en saisissant la fraise.

L'homme observe un instant le fruit pulpeux, gorgé de sucre. Il est d'un magnifique rouge, un rouge écarlate. Et surtout, il est bien mûr. Prêt à être dégusté.

- Est-ce qu'il y a autre chose que vous vouliez aborder durant cet entretien ou pour lequel je puis vous aider ? Si non, je vous laisse développer la situation. Questionne le Serpentard, un semblant distant. Qu'elle s'élance, si elle veut jouer. Il préfère garder les cartes dans sa manche, pour le moment.

Le blond croque dans le fruit, observant la réaction. Délicieux.

Plus le temps s'écoule, plus le Ministre se demande quel est le fond véritable de cet entretien. Il pensait que toute la parade n'était qu'un apparat destiné à l'amadouer pour des négociations, mais le dédain et détachement qu'il perçoit, tandis que la jeune femme résume la situation, le font douter. Il y a peut-être eu méprise entre la fin et les moyens. Alors il s'interroge. Mène-t-il vraiment la danse ? Et plus important, jouent-ils au même jeu ?

Le croupier dévoile une nouvelle carte ; la directrice adjointe se rapproche dangereusement du politicien. La main s'améliore, il y a moyen de miser gros. De jouer de façon plus risquée. Et c'est la brune qui lance directement la première enchère, pour le plus grand plaisir de Belt. Elle rentre autant dans son jeu que lui dans le sien, les stratégies s'entremêlent. Difficile à présent de démêler le vrai du faux, mais cela n'a pas d'importance. Seuls les coups joués comptent.

- Je peux tout faire, selon ce que j'obtiens en retour... réplique le collectionneur de secrets dans un susurrement.

A la question silencieuse "et vous, que voulez-vous", la sorcière répond aussitôt, franchissant le point de non retour de leur relation professionnelle. La sensation délicate laisse les lèvres du Serpentard frémissantes, avides de plus. Mais il n'est pas question de se jeter à l'eau aussi vite.

Le Ministre se redresse, tel furieux d'un comportement aussi déplacé, mais ce n'est que pour attraper une serviette. Revenant aux cotés de la Directrice Adjointe, ses doigts courent le long de l'avant bras de la jeune femme puis il saisit délicatement la main incriminée.

- Laissez-moi arranger ça, Madame, vous avez du jus de fraise sur la main.

Et il essuie consciencieusement chaque parcelle de peau ayant été en contact présumé avec le nectar.

Le Serpentard est dans son élément. Il n’a pas joué ainsi depuis bien longtemps. Il faut dire que les adversaires à sa hauteur se font rares, la partie se plie généralement en quelques minutes. C’est satisfaisait, certes, il ne se plaint pas de gagner, mais ce sont des victoires peu savoureuses. Ce qui se passe dans ce bureau est d’un tout autre niveau. C’est une joute d’experts en la matière.

Les deux corps se rapprochent, attirés l’un vers l’autre, sans toutefois entrer en contact. Pas encore. De sa main libre, l’homme écarte doucement une mèche de cheveux, dévoilant une oreille. Il se penche, s’arrêtant à quelques centimètres de la cible, juste assez pour qu’elle sente son souffle chaud.

Le sorcier sait que la femme a confiance en son charme. Elle transpire d’assurance dans chacun de ses gestes. Pas un tremblement, pas une hésitation. Il pourrait en jouer, lui rappeler soudainement où elle se trouve et en présence de qui, puis la laisser là, pantelante, honteuse, blessée dans son ego. Mais Belt n’a pas besoin d’acter la chose pour s’en délecter ; en avoir la possibilité lui suffit. Le mage noir sait déjà qu’il respire la puissance, alors pourquoi perdrait-il du temps à ridiculiser son interlocutrice ? Que le jeu continue.

- Offrez moi des informations. Des informations compromettantes sur des membres du personnel de Poudlard, lui murmure-t-il au creux de l’oreille.

Clyde racontera probablement plus tard à sa Bonnie la façon dont il a soutiré de juteuses informations auprès de la Directrice Adjointe. Ils ont choisi de se fiancer pour leur apparence publique, mais un pas de plus vers le contrôle de Poudlard vaut bien une petite entorse à ce mariage arrangé.

L’aristocrate fait de nouveau face à la jeune femme, ses yeux dans les siens. Fixement. Et il observe, tandis que ses doigts de pianiste glissent dans la nuque de l’adjointe.

- Je vous écoute, Madame.

L'information est enfin soutirée. Ce ne sera pas la plus facile à utiliser, mais elle rendra service au Ministre un jour ou l'autre. Pour l'instant gravée dans son esprit, elle finira dans une pensine aux coté de bien d'autres secrets.

- Intéressant.

C'est le moment où l'homme pourrait se jouer de son interlocutrice et mettre fin à l'entrevue. Mais celui-ci, pourtant perfide Serpentard, n'est pas de ce genre. Ce n'est pas vraiment une marque d'intégrité, bien qu'il puisse parfois en faire preuve. C'est plutôt qu'il considère que les fourberies ne se font pas de face. Une pion trahi ne doit pas avoir la certitude qu'il l'a été, ni même le savoir, sinon il perd toute utilité et il faut s'en trouver un nouveau.

Les doigts de l'aristocrate quittent le cou de la Directrice Adjointe pour saisir sa baguette. Voilà scellée la porte du bureau. Personne ne les dérangera.

- Simple précaution, vous pouvez évidemment quitter les lieux à tout moment. Préfère-t-il préciser.

L'homme reporte à nouveau son attention sur la magnifique femme qui lui fait face. C'est lentement, les yeux dans les siens, qu'il déboutonne un à un les boutons de sa chemise, laissant apercevoir son torse musclé.